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CRISE OU CATASTROPHE ?

9 Avril 2020 , Rédigé par CODEF246 Publié dans #CULTURE ET EVENEMENTS, #TEXTES ET POEMES

J'avais écouté une émission de François Busnel dans laquelle une invitée annonçait la fin des métaux rares et donc des ordinateurs.

Dans le nouveau monde il y aura peut-être aussi la fin des moteurs, des voitures et des avions, peut-être aussi la fin de l'argent.

Voici un texte du professeur Cuvillier que je viens de lire :

Voici  le lien  :

https://www.reforme.net/reflexions-crise-du-coronavirus/2020/04/03/scenario-catastrophe-par-le-theologien-protestant-elian-cuvillier/

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Actualités-journal protestant - Réflexions -crise du coronavirus - Scénario catastrophe, par le théologien protestant Élian Cuvillier
Scénario catastrophe, par le théologien protestant Élian Cuvillier
scénario catastrophe    
Quelle serait la pire des catastrophes aujourd'hui ?© Michel Gounot / Godong
Publié le 3 avril 2020 (Maj 3/04 15:47)
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Par Elian Cuvillier    

Le théologien Élian Cuvillier poursuit sa réflexion sur ce qui nous arrive dans sa chronique du confinement (6).

Combien de morts ce soir ? Combien de malades en urgence absolue à l’hôpital ? Quand atteindra-t-on, enfin, le sommet de la contamination annonçant enfin la décrue ? Et la situation dans les EHPAD ? Autant d’interrogations qui sont, sinon sur toutes les lèvres, du moins dans toutes les têtes. En un mot, évitera-t-on le scénario catastrophe de nos voisins italiens ou espagnols ? La question que tout le monde se pose aujourd’hui en consultant son ordinateur, en conversant par Skype, Whatsapp, SMS, ou autre Gotomeeting avec ses parents ou amis éloignés, collègues de travail, etc. Car, une autre catastrophe, le véritable scénario catastrophe serait… que nous nous trouvions privés d’Internet !

Permettez-moi d’être un peu provocateur en soutenant que, pour chacune et chacun, coincés dans nos appartements ou nos maisons — et sous réserve bien entendu que nos vies, ou celles de nos proches, ne soient pas en danger, c’est-à-dire que nous ne soyons pas atteint du virus — la véritable catastrophe serait quand même qu’Internet soit coupé ! Oui, en ce temps de confinement qui dure et durcit nos conditions de vie (relativement au confort qui était le nôtre auparavant !), voilà bien ce qui nous inquiéterait vraiment. Et à juste titre : comment, par exemple, pourriez-vous lire cette chronique que je n’aurais tout simplement pas pu envoyer à Réforme si Internet ne fonctionnait pas ?
Internet, un Dieu ?

Mais, au-delà de l’utilité de l’outil — et elle est immense par les temps que nous vivons —, de quoi Internet est-il vraiment le nom ? Du cordon (ombilical ?) qui nous maintient en contact avec l’autre, qui nous permet de ne pas vivre la solitude absolue laquelle serait mortelle pour beaucoup. Il est ce dieu — une déesse : “La Toile” — auquel nous nous adressons parce que nous pensons qu’il ou elle nous écoute. Celui ou celle à qui nous pouvons confier nos désespoirs, nos joies et nos peines, nos envies, nos colères. Le blog sur lequel certains écrivent n’a d’intérêt, comme cette chronique, que d’espérer être lu par d’autres. Par cet autre mystérieux qui est en contact avec nous, sans même que nous le voyons. L’autre potentiel qui va entrer en relation, le plus souvent virtuelle, avec nous.

Alors oui, le scénario catastrophe pour chacune et chacun, une forme de mort en somme, serait que nous soyons privés de ce lien. Que nous resterait-il alors ? Quel dieu pourrions-nous crier, implorer, invoquer ? Relisons les Psaumes — dans un livre de papier (vieux réflexe d’un autre âge) — et considérons le psalmiste en période de catastrophe : il se retrouve seul. Dans une solitude vraiment totale. Il n’a que la voix, le cri, pour trouver un interlocuteur. Peut-être d’ailleurs serait-il temps de remettre au gout du jour cette déclaration du credo : “Je crois à la communion des saints”, par-delà les temps, les lieux, l’histoire, et sans évidemment qu’il soit question d’être “connectés” les uns avec les autres. Comment penser, en cette période de confinement, une communion sans “moyens de communication”, sans Internet ? Peut-être aller voir du côté des communautés monastiques et des tiers ordres qui restent en communion par la vie liturgique et la prière…
L’étymologie du mot catastrophe

Mais revenons un instant à la catastrophe que serait l’interruption d’Internet et creusons — puisque nous avons le temps ! — l’étymologie du terme catastrophe. Oui, vous l’avez compris, j’aime bien regarder l’étymologie des mots. Pour autant qu’on y cherche pas le Graal qui n’existe pas, elle est parfois fort instructive parce qu’elle ouvre les potentialités de sens et donne ainsi à penser. Il est formé à partir d’un mot grec katastrophê qui signifie “renversement” (nom lui-même dérivé du verbe strepho, “tourner”) ou encore bouleversement.

En fait, Internet lors de son invention a constitué littéralement une première catastrophe : son existence a bouleversé nos modes de vie et de relation avec les autres. De telle manière que l’on ne peut plus imaginer qu’il ne puisse plus exister, tout comme l’électricité qui l’a rendu possible. De cette dernière, plus personne — en Occident du moins — ne pourra bientôt dire qu’il ne l’a jamais connue. Pour Internet, nous sommes encore nombreux à avoir vécu sans. Bref, peu à peu, ce qui a été une catastrophe (positive à maints égards) par son advenue, deviendrait une catastrophe (négative) par sa disparition. Une hypothèse, j’insiste, que nous n’arrivons même pas à envisager. Un adolescent peut-il vivre sans son smartphone ? Mais, moi-même, puis-je vivre sans mon smartphone ? Je peux bien sûr l’interrompre le temps… le temps de quoi ? Les plus courageux l’interrompront un week-end, les plus lucides sur eux-mêmes une heure ou deux.
Et le garde-champêtre surgit

Alors oui, le scénario catastrophe est bien là et nous ne l’avons pas réellement envisagé — ce qui est souvent le cas des catastrophes : plus d’Internet. On se demande parfois comment les populations étaient informées à l’époque, si lointaine, où même la radio (l’antique TSF) n’était pas encore généralisée dans les foyers ! Mon oncle, aujourd’hui âgé de 93 ans, m’a raconté comment, en 1939, s’est passée la mobilisation de mon grand-père, pendant la Seconde Guerre mondiale. Agriculteur dans le Nord de la France, il vivait loin de la ville et des circuits d’information de l’époque. Et puis à la ferme, un jour, en plein midi, le garde-champêtre arrive et l’informe qu’il doit partir au front. Comme ça, dans l’heure. Comme une désagréable surprise qui vous tombe sur le coin de la figure (un réel) : rassemblement prévu sur la place du village le plus proche — loin de quelques kilomètres, à faire à pied — en soirée. Juste le temps d’embrasser femme et enfants avant de s’en aller. On ne le reverra plus pendant cinq ans, il fut prisonnier en Allemagne. Qui peut imaginer cela à l’heure de l’information en continu ?

Alors oui, le scénario catastrophe c’est que nous ne soyons plus en lien (en “connexion”) avec le monde qui nous entoure. C’est-à-dire avec l’imaginaire de ce monde, ces sources d’informations, de divertissements multiples et variés, ces facilités d’approvisionnement, de communication, de liens de toutes sortes. Le scénario catastrophe, c’est que nous soyons à la merci d’une rencontre improbable avec l’inconnu que nous aurions dû solliciter d’une façon traditionnelle : une parole adressée, un déplacement physique (quand ce sera de nouveau possible évidemment !) pour aller sonner à la porte. L’avez-vous remarqué, on ne va même plus chez un ami sans l’avertir au préalable par un SMS ? Comme si la surprise d’une visite n’était même plus pensable. Le scénario catastrophe, le bouleversement en somme, ce serait de devoir parler, communiquer non plus virtuellement mais en chair et en os, “pour de vrai” comme disent parfois les enfants.
La chair tragique et belle

Ce bouleversement le christianisme lui a donné un nom : incarnation. Et il lui a associé une déclaration : “La Parole a été faite chair” (Jn 1,14). Cette expression signe en effet l’entrée de Dieu en condition humaine. Oui, j’insiste, une catastrophe au sens d’un bouleversement. Et pour Dieu, une blessure, celle qu’il partagera désormais avec sa créature. Car la chair est souffrante, douloureuse, mortelle, tragique. Et c’est pourquoi aussi elle peut être belle, heureuse, épanouie, ouverte sur le monde. Mais pas sans la difficulté qu’elle rencontre et que j’ai nommé plusieurs fois dans cette chronique : le réel. Pas le virtuel, non, le réel, c’est-à-dire la confrontation à tout ce qui nous résiste, nous heurte, fait effraction dans nos vies et que nous préférerions éviter ou simplement rencontrer “pour rire”. Comme lorsque, dans les jeux vidéo, il nous est donné plusieurs vies. Car, dans la “vraie” vie, il n’y en a qu’une.

“La parole a été faite chair”. Jacques Lacan a commenté cette expression empruntée au prologue de l’évangile de Jean : “Je suis pour saint Jean et son “Au commencement était le Verbe”, mais c’est un commencement énigmatique. Cela veut dire ceci : pour cet être charnel, ce personnage répugnant qu’est un homme moyen, le drame ne commence que quand le Verbe est dans le coup, quand il s’incarne C’est quand le Verbe s’incarne que ça commence à aller vachement mal. Il n’est plus du tout heureux . Il ne ressemble plus à rien du tout. Il est ravagé par le Verbe.” Voilà ce qu’Internet risque parfois de nous faire éviter : la confrontation avec le ravage que constitue la Parole/le Verbe fait chair. La difficulté d’être tout simplement confronté à notre propre existence et à celle de l’autre.

À l’heure où le Corona nous rappelle — et avec quelle cruauté parfois — que notre vie est fragile, peut-être ce temps de confinement est-il un moment de bouleversement et que le nom de ce bouleversement est incarnation ? Car c’est bien une incarnation qu’il s’agit d’affronter en ce moment : la nôtre et, éventuellement, celle de ceux avec qui nous vivons cette période. Or, l’incarnation est toujours difficile à vivre, aujourd’hui plus que jamais sans doute.

Mais, n’en déplaise au monde virtuel dont on nous vante les mérites — et ils sont certes nombreux — elle est la seule manière véritable de rencontrer notre humanité et celle de l’autre.

Élian Cuvillier enseigne la théologie pratique à l’Institut protestant de théologie-Faculté de Montpellier
One Reply to “Scénario catastrophe, par le théologien protestant Élian Cuvillier”

    Courrier des lecteurs : réactions à la chronique Scénario catastrophe d'Elian Cuvillier – Reforme.net
    avril 6th 2020, 13 h 59 min

    […] à Elian Cuvillier pour ses chroniques. Pour ma part, elles révèlent un abîme qui existe entre ce […]

Les commentaires sont fermés
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